Les portes de Jorth
La légende de la création des Portes de Jorth .
Les tempêtes de neige faisaient rage depuis plus de cinq jours. Cinq jours où la troupe d’humains courait et essayait de rejoindre leur patrie. Ils étaient tous de farouches guerriers, solidement armés, armure de byzantine étincelante en dessous d’une grosse fourrure. La rage se lisait sur leurs visages : la rage de vivre, mais aussi la rage de mourir. Ils ne comptaient plus le nombre de pertes qu’ils avaient subies depuis leur départ.
Leur départ avait eu lieu il y a plus de deux semaines. Un homme d’un village voisin était apparu un beau matin, totalement désorienté et mortellement blessé. Il avoua avant de mourir que son village, un village voisin avec qui il avait fait de nombreux pactes commerciaux, était tombé lors d’une attaque et qu’il avait besoin d’aide. Sans donner mot du danger, ce pauvre homme était mort en poussant un cri terrible. N’écoutant que son courage, le fils du chef du village, Groth, prit cent cinquante de ses meilleurs guerriers et alla à la rescousse du village ami victime, pensait il, d’une probable attaque de brigands voleurs de chèvre. Le chef de cette expédition croyait diriger cette compagnie pour écraser cet affront, il ne savait pas alors, qu’il dirigeait ses hommes dans la gueule du loup… Groth était en tête de la troupe. Son rôle en tant que chef était de montrer l’exemple, et de montrer à ses hommes qu’il leur était supérieur. D’où il devait passer devant. Devant ? Les traditions étaient stupides, le danger aujourd’hui était derrière… Le chef barbare s’arrêta sur une bute d’où il scruta l’horizon en vue de peut être trouver un village, et pour la même du renfort. Quoi qu’il fasse, il ne devait pas oublier de montrer le bon exemple à ses hommes. Son père n’arrêtait pas de lui répéter : « Tes hommes te suivront plus facilement s’ils voient en toi une personne en qui ils peuvent avoir confiance ». Ses hommes ? Groth regarda derrière lui : sept guerriers, ses sept derniers hommes.
Quand le groupe de cent cinquante guerriers fut arrivé au village attaqué, ils ne trouvèrent que ruines et désolation. Pas âme qui vive. Les maisons étaient brûlées, les fortifications détruites… non, à la réflexion, les maison étaient carbonisées, comme étant passées sous le feu du soleil lui-même. Quant aux murailles, elles n’avaient pas été détruites, mais écrasées ! Comment avait il pu être aussi aveugle et ne pas voir les signes précurseurs ?
- « Groth ? » lui demanda un voix à coté de lui qui le fit ramener à la réalité. - « Hum, oui. » C’était Melkar son bras droit. Il remerciait son dieu de l’avoir laissé à ses cotés. Sa sagesse et son sang froid l’avaient de nombreuses fois aidé dans le passé. - « Nos hommes sont fatigués. Ce sont les plus braves d’entre nous, mais ils sont mortels, il leur faut du repos. » Groth se détourna pour regarder a nouveau le paysage dévasté par la tempêtes de neige. - « Ca fait plusieurs jours que l’on courre, » continua Melkar, « nous ne mangeons presque rien et nous ne dormons que quelques heures. » Groth baissa le regard quelques instants puis le reposa vers son meilleur homme, son plus brave guerrier, son ami : - « Je sais que c’est dur, mais nous en avions convenu comme ça. Il nous faut aller de l’avant, le plus vite et le plus loin possible… » Groth regarda derrière eux, dans le vague, comme s’il pouvait voir au delà du brouillard et de l’écran de flocons qui baissait la visibilité à quelques mètres. - « J’ai l’impression que cette bête se joue de nous depuis le début. »
Cela ne faisait même pas une demi heure qu’ils étaient dans le village que l’attaque commença. Ils s’attendaient à des guerriers farouches, des brigands téméraires, des voleurs de troupeaux. Mais ce ne fut pas le cas. Les attaques furent brèves mais mortelles. Impossible d’en localiser la source. Elle était rapide, invisible dans le brouillard matinal et touchait sa cible à chaque fois. Des cris horribles de souffrance étaient poussés partout dans le village Le temps que le chef de la troupe demande à tout le monde de se rassembler, il avait perdu la moitié de ses effectifs. En cinq minutes, 70 hommes étaient morts. En reculant Groth toucha un objet pointu. Il se retourna vivement et vit un de ses homme, le fils de sa voisine dans son village, qui était comme enfermé dans du cristal… non il était devenu du cristal, ou de la glace peu importait maintenant. Il se retourna vivement et cria : -« Un dragon des glaces !! Rebroussons chemin !! »
Le dragons n’avait pas arrêté de les suivre depuis. Prenant un malin plaisir à tuer les retardataires. Un par un, comme si pour lui ce n’était un jeu.
- « Maudite bête du diable. » Jura Groth en se rappelant des cinq derniers jours.
Les pires jours de sa vie
Maintenant qu’il y réfléchissait, il se demandait s’ils n’avaient pas été manipulés depuis le début.
L’homme n’était peu être qu’un leurre, un survivant que le dragon avait laisser vivre pour qu’il ramène d’autres vivres, d’autres jouets.
Ils s’enfuirent le plus vite possible du village. Ils décidèrent alors de ne pas retourner dans leur village. Ils emmèneraient le dragon droit vers leur famille s’ils retournaient chez eux. Tous les survivants étaient d’accord, personne ne devait rentrer dans leur foyer. Leur seul choix, un village de grands guerriers à quelques centaines de kilomètres au sud. Il fallait les rejoindre et, là peut être, s’ils survivaient, combattre ensemble le dragon.
Groth devait le reconnaître : - « Nous sommes perdus mon vieux Melkar. » - « Je m’en doutais. » Dit Melkar en mettant une main sur l’épaule de son chef. « Les tempêtes et le dragon nous ont faits tourner en rond. Nous qui sommes nés dans la tempête, nous qui l’avons bravée et maintes fois battue… » -« La tempête a repris sa revanche, et elle a gagné cette fois. »
Depuis le début de leur cavalcade ils avaient joué de malchance. Il n’y avait pas assez de vivres, le dragon les poursuivait sans relâche. Les laissant à peine dormir ou manger. Même pas le temps de chasser. De plus, dès le deuxième jour, une tempête s’était levée et maintenant ils ne savaient plus quoi faire. A bout de force, sans provisions et sans sommeil que pouvaient ils faire ? Les légendes disaient que les dragons des glaces se réveillaient rarement, mangeaient pour se remplir l’estomac et pouvoir retourner en hibernation pendant quelques siècles. Elles disaient aussi qu’ils étaient des animaux très dangereux et très intelligents. Il ne croyait pas aux légendes. Pour lui, cette histoire était un conte pour faire peur au petit guerrier. Mais il était forcé de reconnaître que tout ce qu’on lui avait dit étant petit s’était révélé vrai.
Il se retourna, leva sa hache à deux mains qu’il tenait à une et cria de toute ses forces : -« Maudit dragon ! Maudite bête ! Viens donc te battre comme un guerrier ! Je t’attends ! » Ses guerriers ne furent pas étonnés, c’était là une réaction normale. Ils venaient de comprendre que où qu’ils aillent, le dragon les rattraperait quand même. Il avait essayé de les sauver, il avait échoué, mais ils ne lui en voulaient pas. C’était grâce à lui qu’ils avaient survécu aussi longtemps. Ils étaient fiers de l’avoir comme chef. C’était un brave. En réponse à sa provocation un cri dans le lointain se fit entendre. Etait-ce le dragon qui lui répondait dédaigneusement qu’il perdait son temps ? Etait-ce la tempêtes qui lui disait que toute lutte était vaine ? Quoi que ce soit, ce cri n’était guère de bonne augure. Groth se tourna vers la tempête, devant eux, criant au ciel comme si les nuages pouvaient l’entendre : -« Je m’appelle Groth Liodigh. Fils de Fortuna Liodigh. Je suis ton dévoué serviteur ! Ô Seigneur des plaines gelées, ô Dieu des glaces : Jorth ! Ne vois tu donc pas ce qu’il se passe ? Ne vois tu pas que ton peuple t’appelle ? Je t’en conjure, si tu nous entends, viens nous en aide ô Dieu des tempêtes. Prends mon âme, prends mon corps, mais sauve mon peuple de ce danger invisible. » Tous les guerriers retinrent leur souffle. Ils regardèrent autours d’eux. On prononçait rarement le nom du Dieu des Tempêtes pour rien. Rien ne se passait. Les secondes s’écoulèrent, Groth ne bougeait pas, hache toujours levée vers le ciel. Les secondes devinrent des minutes et la tempête était toujours là , le dragon aussi d’ailleurs. Groth, fou de rage, poussa un cri terrible et jeta le plus fort qu’il le pouvait sa hache devant lui. A la surprise général, la hache fit un bruit métallique en s’enfonçant dans une motte de neige. La neige faisait rarement ce bruit là . Un éclair bleu et rouge apparut du ciel et toucha la hache. Un bruit assourdissant, provenant du sol, gronda. La terre trembla et la motte de terre avec la hache enchâssée s’éleva. La neige tomba au sol et une construction apparut. Ce n’était pas une construction ordinaire. On aurait dit que c’était fabriqué de glace. Tous les guerriers regardèrent l’édifice s’élever lentement pour finalement le voir dans sa totalité. D’une beauté à couper le souffle, plus grande que leur monuments les plus hauts, se tenait devant eux un portail de glace. On ne pouvait voir à quoi il menait car une sorte de brume mouvante bleue et noire, empêchait de voir de l’autre coté. Un autre bruit, mais venant dans leur dos, se fit entendre. Un rugissement de colère. Le dragon n’était pas content, il voyait ses proies lui échapper. Il fallait faire vite, traverser le portail ou mourir. - « Dépêchez vous ! » Cria Groth. « Ou nous traversons le portail au plus vite, ou nous n’aurons jamais l’occasion de venger nos amis et parents. » Rassemblant leurs dernières forces, ils traversèrent le portail au plus vite. Le dragon ne devait pas être très loin car ils entendaient le bruit de ses ailes se rapprocher de plus en plus vite.
De l’autre coté, ils furent aveuglés par une lumière vive provenant du ciel. Quelques secondes pour s’acclimater et il se rendirent compte que c’était le soleil qui était aussi lumineux. Où pouvaient ils bien se trouver ? Regardant autour de lui Groth vit de nombreux arbres étranges qu’il n’avait jamais vus auparavant. A terre, de la matière comme de la neige mais qui n’était pas froide et blanche au toucher. Il en prit dans sa main et cette matière coula entre ses doigts pour retomber au sol. - « On m’a déjà parlé de ça, ça s’appelle du sable. » Lui dit son bras droit. Partout où il regardait, il ne voyait que végétation et mer d’azur. Etait ce cela le paradis ? -« Nous sommes sauvés chef. » Lui dit un de ses hommes. -« Grâce à vous ! » Dit un autre. Groth regarda en arrière et vit que la porte de glace était toujours là , tranchant dans ce paysage de verdure et chaud. Il se demanda même comment une porte de glace pouvait tenir avec une température pareille. -« Non pas grâce à moi, grâce a notre Dieu bien aimé. Qu’il en soit éternellement remercié. » Il contempla la porte le temps que ses homme reprennent leur sang froid et que leurs débordements de joie soit passé. Puis il reprit la parole. -Très bien, vous allez essayer de voir s’il y a de la vie ici, vous intégrer aux peuples d’ici. Et si vous êtes seuls vous avez la charge de prospérer au nom de notre Dieu. Groth se retourna et se dirigea vers la porte. - « Chef !! » Cria Melkar le rattrapant. « Chef ! Mon ami, que va tu faire ? » Groth lui sourit. Cela faisait des jours qu’il n’avait pas souri et le froid ayant dû geler ses muscles ce fut douloureux. - « J’ai promis à notre Dieu de donner mon âme et mon corps si il sauvait mon peuple. Il a rempli sa part, à moi de remplir la mienne. Je vais le rejoindre pour le bien de tous. » Melka le regarda puis lui fit une tape dans le dos avant de le laisser continuer sa route. Rien ne pouvait le retenir. Sa route était toute tracée. De plus on ne pouvait pas lutter contre la volonté d’un dieu. Les 7 derniers guerriers commencèrent à chanter à sa gloire et à son courage. Pour un chef digne des héros décrits dans les histoires orales. « Voila un homme qui sera regretté par son peuple » pensa Malkar. « Un brave parmi les brave, que son âme se tienne à ta droite Jorth . » Mais avant de disparaître, Melkar crut entendre Groth parler : -« Ton serviteur vient à toi, Jorth ! »